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Affichage des articles du décembre, 2008

Le petit train rouge (2/2)

Près d’Oostkamp un champ de froment s'étalait, des roselins cramoisis voltigeaient parmi les épis dorés et les pales des éoliennes. (…) je m’installai au pif dans un wagon de première, en face d'un monsieur, qui portait sur ses jambes un bichon maltais au poil neige de l’Edelweiss et à la petite langue rose, qu’il tirait avec une expression dont chaque ligne de mon visage singeait le martyre, et alors que je cherchais un moyen courtois d’en avertir son maître, j’allais surprendre la main de ce dernier à lui astiquer le fourreau, son beau fourreau neige de l’Edelweiss, hors duquel pendouillait une ficelle de chair rouge (…) Deux minutes d’arrêt à Brugge, annonça la ravissante voix de la contrôleuse, dont le message pourtant banal semblait en cacher un autre, celui-là destiné à la personne même de Karl Van der Merghen. (...) je courus à la toilette rincer la cendre du vice sur mon visage, j’en ressortis avec un goût de savon sur la langue, et la certitude que seule la fatalit

La loi de Forsoh (2/5)

Douala, vingt-neuf juillet Marguerite, ma chérie Que ma nuit fut courte, mais agréable. Je me suis endormi comme une masse, après avoir mis ta lettre sous pli, et c’est en marche vers la poste que soudain, croisant à un carrefour un couple en train d’échanger des au revoir, il m’a semblé avoir oublier de t’écrire combien je t’aime. Aussi, je vais me rattraper neuf fois de suite dans celle-ci : JE T’AIME JE T’AIME JE T’AIME JE T’AIME JE T’AIME JE T’AIME JE T’AIME JE T’AIME JE T’AIME. Ravie ? Com- blée ? Non ! Soulagée ? Oui ! C’est bien ! Où en étais-je ? Le réveil, Bien ! A la sonnerie de l’horloge de chevet, je me levai d’un bond : je ne voulais pas manquer l’aurore. En fait, c’est l’une des rares choses qui soient encore nettes dans ma mémoire. Pour tout te dire, je n’ai pas été déçu : le spectacle concordait point par point avec celui que j’avais en tête, de sorte que par moments il me semblait suggérer aux nuages et aux teintes du ciel leur mouvement ainsi que leurs couleurs.

La graine

"Être libre ou esclave de ses démons ? La question s’est toujours ainsi posée." Soliloque de l’homme nouveau-né. Dans les terres chaudes d'Amazonie, habite un vieillard avec tous les attributs du vieillard, un vieillard justement nommé le vieillard. Quand l’année pousse à son terme, il enfourche le dos de la lune et s’en va à travers monde, semer dans le cœur de chaque homme la graine pré- cieuse, celle qui a le pouvoir de les débarrasser à jamais de leurs démons, à la seule condition qu’ils lui reconnaissent ce pouvoir. Hélas ! bon nombre d’entre eux l’ignorent, et le peu qui le soupçonnent, se refusent d’y croire. © Timba Bema, 2008

La loi de Forsoh (1/5)

Douala, vingt-huit juillet Marguerite, ma chérie Il est une heure seize et des poussières à l’horloge de chevet : le temps ici. Sans doute une heure de plus à Paris : le temps entre nous. Te rends-tu compte ? rien qu’une heure de décalage, malgré cette forêt et ce désert et cette mer, comme autant d’abysses insondables creusés parmi nous ; une heure de décalage, et je te suppose loin, très loin déjà, noyée dans un sommeil paisible, tout à mon opposé. En même temps, je m’imagine, j’imagine que je veille sur ta paix, comme presque tous les soirs, lorsque l’heure est venue d’éteindre ma lampe ; parfois, il t’arrive de tressaillir au contact de mes lèvres sur ton cou, et de balbutier quelques paroles confuses, puis de te rendormir, sereine. Ici, c’est le Parfait Garden, l’hôtel en plein cœur de ville où je suis descendu ; ma chambre avec balcon est au dernier étage, tout près des nuages ; le panorama, déjà saisissant depuis l’angle du hublot, quand nous traversâmes la mangrove irra

Le petit train rouge (1/2)

En gare de Bruxelles, Karl Van der Merghen venait de s’installer dans le siège 77B du rapide de 12H06 pour Oostende. (…) je n’ai jamais cru aux diseuses de bonne aventure et encore moins aux beaux parleurs, mais je dois me résoudre à accepter que ça m’est tombé dessus au bon moment, entendons par là celui où je m’y attendais le moins, puisque je ne faisais que marcher dans la rue, au sortir de mon dixième entretien d’embauche du mois, pour un poste d'opérateur funéraire dans une compagnie de pompes funèbres, il va sans dire, où j’avais envoyé mon dossier sous la menace d'être exclu pour de bon du droit au chômage, par la dame de l'Office qui me l'avait assené avec un sourire satisfait de lui-même, un peu comme celui de cette autre qui venait en face de moi, le tailleur strict et les cheveux au vent, à l'avenue des Arts, où je marchais au calme à l’ombre des buildings aux vitres tein- tées, ma mallette tenue avec légèreté, le noeud de ma cravate détaché à cause de