Grand entretien dans le Clijec Mag




Timba Bema, que représente ce Grand prix littéraire d’Afrique noire pour vous ? 

C’est un prix qui a une longue tradition et raconte à sa manière l’histoire de la littérature africaine en français. C’est un grand honneur pour moi d’en être le lauréat. D’autant plus qu’il s’agit de mon premier ouvrage qui est un long poème. Je veux bien croire qu’il s’agit d’un signe d’encouragement pour la suite. Et surtout d’une attention marquée pour la poésie, ce grand art du sens, pour rappeler combien il est essentiel aux sociétés humaines qui, comme les nôtres, sont défaites et détricotées par l’histoire.

Le grand prix littéraire d’Afrique noire pour le poème, Les seins de l’amante ! Une preuve que la poésie n’est pas morte.

Je pense que la poésie est l’exploration la plus profonde qui soit de l’âme humaine. Elle devient nécessaire dans les périodes de doute, les périodes de crise, comme le temps dans lequel nous vivons. La liberté recule partout sur terre. Les tyrannies s’installent ou perdurent. Les déserts culturels prolifèrent. L’aliénation avance, avance. Inéluctablement, se dit-on. Pourtant, l’accumulation de richesses atteint des sommets jamais égalés dans l’histoire humaine. Devant une telle contradiction, génératrice de non-sens, la poésie devient essentielle pour articuler une pensée nouvelle, une esthétique nouvelle, comme une bouffée d’oxygène apportée à la civilisation. Car, il faut rappeler que la poésie n’a pas seulement à voir avec la production du beau, mais avec la production du sens. Après la négritude, nous avons le devoir de réinventer notre destin. Et les lecteurs, qui sont les acteurs et témoins de cette histoire, ne peuvent qu’être attentifs à une telle démarche.

Timba Bema, vous écrivez parce que votre chemin a croisé celui de Kafka.

Oui. Disons que j’ai grandi avec la sensation diffuse d’étouffer, de ne pas pouvoir m’exprimer, pris que j’étais dans un maelstrom de non-dits, de drames que l’on essayait d’enfouir dans les limons de l’oubli, espérant les annihiler. J’avais toujours eu de la peine à mettre des mots sur cette sensation, avant bien sûr de croiser la route de Kafka. Dès cette rencontre, les lignes de force constituant la réalité à l’origine de mon malaise se sont peu à peu éclaircies, comme une cité oubliée que l’on dégagerait jour après jour de siècles et de siècles d’ensevelissement.

D’une part, il y avait un drame familial. Celui de l’assassinat en 1960 dans le Moungo, pendant la guerre civile, de mes grands-parents, qui étaient des agriculteurs fortunés et influents.

D’autre part, il y avait le système tyrannique issu de la colonisation, un système qui, pour durer, tribalise la société et instaure un véritable état policier, tout en cultivant savamment le vide historique...


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