Dernières nouvelles du front d’une catastrophe imminente (4)
Le procès, Orson Welles, 1962 |
Mercredi 30 Novembre 2011 –
Aéroport de ce qui s’appelle la banlieue de Yaoundé – Un homme descendait de l’avion qui le ramenait ici
après une semaine à Bordeaux où il avait participé en qualité d’expert à un
colloque international sur les droits de l’homme en Afrique. Il avait le pas
lourd. Sans doute la fatigue. Car il était resté assis sans rien faire durant
six heures. Et comme resté assis des heures sans rien faire n’était pas dans
ses habitudes. Il était fatigué ; il se sentait fatigué. Le siège de l’avion
non plus ne lui avait arrangé son affaire. Quoique de première classe, le
siège, il n’avait pas le confort insouciant d’un mauvais lit. Alors il était
fatigué ; alors il se sentait fatigué. En conséquence son pas était lourd.
Lourdeur à laquelle venait s’ajouter celle du temps. Déjà englué de mélasse malgré
l’heure précoce. Il se disait bien comme ça qu’il devait encore dormir. Quelques
heures encore. Toutefois, il devait d’abord passer à son bureau de l’université
pour récupérer des documents. Il marchait dans le couloir conduisant à la salle
des bagages. Quand il y avait eut des cris. Tout à coup il entendit crier son nom.
D’abord il n’y prêta pas attention. La fatigue ça vous met parfois la tête dans
un petit délire. On croit entendre des choses, on croit seulement. Mais les
voix, car en réalité c’était non pas une mais deux voix qui criaient son nom,
redoublèrent d’ardeur. Alors il se dit que ce pourrait être des admirateurs.
Des gens qui voulaient lui signaler qu’ils l’avaient bien vu de leurs gens. Des
gens qui devaient l’admirer parce qu’il avait parlé comme il avait parlé. Car
il faut avouer qu’il était de plus en plus reconnu dans la rue depuis qu’il osé
candidater à l’élection présidentielle. Donc il s’était retourné, le sourire
aux lèvres. Une manie comme ça de sourire devant l’inconnu au lieu de froncer
les sourcils. Et les deux voix de s’avancer vers lui, en courant, même.
Naturellement il leur tendit la main. A ces drôles d’admirateurs. On la lui
prit, sa main ; on la cercla de menotte ; et on lui : veuillez
nous suivre en silence, monsieur le Président.
© Timba Bema, 2011
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