Dernières nouvelles du front d’une catastrophe imminente (3)


     Mercredi 09 Mars 2011 (dans les alentours de Lampedusa) – La barque où Mamadou Barry Cissé avait trouvé une place la veille au soir venait d’être interceptée près des côtes de Lampedusa par les garde-frontières italiens. Il pouvait s’estimer chanceux car, pendant une année, il avait végété en Libye, enchaînant les petits boulots de merde, dans l’attente d’une ouverture dans la muraille d’acier que les garde-frontières libyens avaient érigé en son rêve et son réalité. Au déclenchement de la révolte il ne s’était le moins du monde pas senti concerné : la notion d’altruisme lui était devenue étrangère depuis le jour où il prit la route. 

Le Radeau de La Méduse, Théodore Géricault, 1819
A Tripoli il s’était fait recruté dans une troupe de fidèles qui réglaient leurs comptes à ceux qui étaient réputés hostiles au Guide. Lors d’une opération il mettait la main sur une sacoche de dollars. Le lendemain il quittait la villa cossue qui leur servait de caserne. Je me vais me dégourdir les jambes, avait-il lancé d’un ton naturel à son chef. Et une heure plus tard il se trouvait dans la barque, les muscles engourdis, mais le cœur soulagé par la brise tiède. 

© Timba Bema, 2011

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Cette histoire de la violence

Monument de la laideur

« Pour qui j’écris vraiment ? » ou l’art de se poser la question