Dernières nouvelles du front d’une catastrophe imminente (5)


Le pont japonais, Monet
Le 29 septembre 2011 – C’est un Jeudi – Il est 06h35 – On est à Douala - Dans une section du pont à la courbe suspendue – Je suis un envoyé du tout-puissant, de créateur de toute chose, de l’unique dans l’enchaînement des siècles. Dans ma nuit, il m’est apparu dans le rêve et de sa main de feu s’est posée sur mon épaule. Il m’a dit je suis ton créateur et tu es ma création et je te parlerai et tu feras ce que je te dirai. J’ai créé ce monde pour parfaire la création mais quelle n’est pas ma peine de voir comment vous le conduisez à sa perte. Alors, il est temps de faire peau neuve ou place nette, si tu veux. Ceci est un de mes  vieux tours. Beaucoup de signes en témoignent encore. Quand le monde a atteint un haut degré d’avilissement je lui envoie des guerres et des catastrophes pour le renouveler. Et à présent il est temps de détruire ce monde corrompu. Tu seras mon bras. Je serai avec toi et tu n’auras rien à craindre. D’aucuns diront de toi que tu es un individu non identifié armé et arborant un uniforme militaire. D’aucuns diront cela et d’autres y croiront car ceci est ma volonté à moi au tout-puissant qui règne et régnera toujours sur les choses de ce monde. Ayant parlé ainsi il disparut, laissant sur mon lit cette arme que je tiens à présent, debout sur le pont, que je brandis de la main du créateur, et cette tenue aussi, militaire, que je revêt à présent, debout sur pont, avec mes sans-confiance aux pieds car je n’avais pas les moyens de me payer des rangers et même si j’en avais eu le temps m’aurait manqué, et cette banderole aussi, il l’a laissée mon lit, on peut y lire, écrit de sa main de feu, le créateur y a écrit le message qui devait être entendu de tous les hommes et de toutes les femmes, ses créations. La nuit vient à peine de s’écarter du pont, de la ville toute entière. Les voitures, les motos, circulent déjà dans les deux sens. Certains me regardent, mais ils ne comprennent pas encore pourquoi la main du créateur est levée au ciel avec une arme dedans. Soudain, le doigt du très-haut appuie sur la gâchette. Sa colère se libère, métallique, froide, imperturbable. Et les quelques personnes sur le pont, qui dans les taxis, les bus, les motos, des hommes et des femmes pour qui le message est destiné, et ces gens de prendre peur devant la colère du créateur, de s’en fuir à toute vitesse, en se coupant leurs oreilles avec leurs dents, en se perçant leurs yeux de leurs doigts pointus, pour ne plus entendre, pour ne plus voir, le manifestation du créateur, l’incarnation du très-haut, dans ma chair à moi, de son pasteur, qui avait longtemps alerté le troupeau de mes sermons inspirés directement de celui qui est, et eux de courir, de sauter, de crier sur la colère de leur créateur. Le pont m’appartient désormais, il est rendu au créateur, celui qui par le feu unit les deux berges de l’âme. J’attache la banderole sur le garde-fou. La voix a encore grondé du métal. Mais plus personne. Et le créateur de gronder aux salauds, aux traîtres, parce qu’ils ne veulent pas entendre sa voix comme moi je l’ai entendue la nuit dans le rêve et maintenant dans la réalité. Alors sa main de feu me soulève de terre et me fait descendre, lentement, dans l’eau qui coule sous le pont à la courbe suspendue.  


 © Timba Bema, 2011

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