L'héritage in Micro-fantaisies I


A l'âge où l'homme doit prendre femme, Ali Ben Ousman, fils unique de son père, Ousman Ben Mahdi, s'avança sous la tente de ce dernier et lui réclama son héritage. Une joie profonde s'empara du corps de Ousman Ben Mahdi qui le conduisit dans l'enclos aux bêtes. Là, Ousman Ben Mahdi leva son bâton de berger en plein milieu du troupeau et celui-ci se scinda en deux groupes égaux en nombre de têtes. Tout ce qui se trouve sur ma gauche, dit Ousman Ben Mahdi, est la moitié de ton héritage et tu peux en disposer dès à présent ; tout ce qui se trouve sur ma droite est le solde de ton héritage et il te reviendra de plein droit au jour de ma mort. Ali Ben Ousman fit ses adieux à Ousman Ben Mahdi : je vais paitre mon troupeau là où l'herbe est verte et grasse, là où l'eau ruisselle en abondance du ventre de la terre, et à l'occasion je prendrai la première des quatre femmes que m'autorise la religion ; un dicton de chez nous n'enseigne t-il pas que là où l'eau se répand la femme y vient toujours avec une outre pour la puiser ? Une année s'écoula et Ali Ben Ousman revint bredouille sous la tente de Ousman Ben Mahdi. Où est la femme ? Où est le troupeau ? Ali Ben Ousman se cloîtra dans le mutisme. Au bout d'une heure interminable il ouvrit enfin la bouche pour réclamer le solde de son héritage. Ousman Ben Mahdi leva son bâton de berger sur le reste du troupeau et le scinda en deux groupes égaux en nombre de têtes. Tout ce qui se trouve sur ma gauche, dit Ousman Ben Mahdi, est le quart de ton héritage et tu peux en disposer dès à présent ; tout ce qui se trouve sur ma droite est le solde de ton héritage et il te reviendra de plein droit au jour de ma mort. Ali Ben Ousman fit ses adieux à Ousman Ben Mahdi : je vais paitre mon troupeau là où l'herbe est verte et grasse, là où l'eau ruisselle en abondance du ventre de la terre, et à l'occasion je prendrai la première des quatre femmes que m'autorise la religion ; un dicton de chez nous n'enseigne t-il pas que là où l'eau se répand la femme y vient toujours avec une outre pour la puiser ? Une année s'écoula encore et Ali Ben Ousman revint bredouille sous la tente de Ousman Ben Mahdi. Où est la femme ? Où est le troupeau ? Ali Ben Ousman se cloîtra dans le mutisme. Au bout d'une heure interminable Ali Ben Ousman ouvrit enfin la bouche pour réclamer le solde de son héritage. Ousman Ben Mahdi leva son bâton de berger sur le reste du troupeau et le scinda en deux groupes égaux en nombre de têtes. Tout ce qui se trouve sur ma gauche, dit Ousman Ben Mahdi, est le huitième de ton héritage et tu peux en disposer dès à présent ; tout ce qui se trouve sur ma droite est le solde de ton héritage et il te reviendra de plein droit au jour de ma mort. Ali Ben Ousman fit ses adieux à Ousman Ben Mahdi : je vais paitre mon troupeau là où l'herbe est verte et grasse, là où l'eau ruisselle en abondance du ventre de la terre, et à l'occasion je prendrai la première des quatre femmes que m'autorise la religion ; un dicton de chez nous n'enseigne t-il pas que là où l'eau se répand la femme y vient toujours avec une outre pour la puiser ? D'années en années la taille du troupeau s'amenuisait, ceci malgré les nouvelles naissances. Et il advint ce qui devait arriver. Ali Ben Ousman revint donc bredouille sous la tente de Ousman Ben Mahdi et réclama le solde de son héritage. Ousman Ben Mahdi le conduisit dans l'enclos où se trouvait la dernière bête. Ousman Ben Mahdi dit alors à Ali Ben Ousman : tout ceci est le solde de ton héritage. Je ne peux te le céder tout entier car cela est contraire aux coutumes de notre race. Aussi, je vais donc abattre la bête de mes propres mains, ensuite de quoi on la partagera en deux parts égales. La part sur ma gauche te reviendra comme avance sur ton héritage et tu pourras en disposer à ta guise ; quant à celle qui sera sur ma droite je la conserverai aussi longtemps qu'il le faudra dans du sel, et elle te deviendra de plein droit au jour de ma mort. Mais Ali Ben Ousman se révolta : cette bête est mon héritage et je veux en disposer à ma guise. Ousman Ben Mahdi essaya de raisonner Ali Ben Ousman ; la colère de Ali Ben Ousman n'en fut que plus impétueuse. Après cette dernière bête tu n'auras plus de raison pour venir sous ma tente, hasarda Ousman Ben Mahdi. Non père, jamais je ne t'abandonnerai au sable et à la solitude, telle fut la réponse de Ali Ben Ousman. Alors Ousman Ben Mahdi pria Ali Ben Ousman de s'approcher afin qu'il accomplit selon la coutume le rite qui devait précéder et sceller le partage d'un héritage. Ali Ben Ousman s'agenouilla prestement aux pieds de Ousman Ben Mahdi. Mais au lieu de se voir présenter le poignard du défunt qu'il devait selon la coutume arracher promptement des mains de l'ordonnateur, il en reçut plutôt la pointe dans sa veine jugulaire. En larmes, Ousman Ben Mahdi découpa en deux le corps de Ali Ben Ousman, les chargea sur le dos d'un chameau et monta au sommet de la plus haute dune de sable. Il jeta la première moitié sur sa gauche et déclara : ceci est le solde de ton héritage et tu peux en disposer dès à présent. Ensuite, il jeta la deuxième moitié sur sa droite et déclara : quand à cette part de ton corps, elle est destinée aux charognards qui s'en délecteront et les ossements, si le sable ne les a pas réduit entre temps en fine poussière, te reviendront de plein droit au jour de ma mort. Après avoir accompli son devoir Ousman Ben Mahdi se lava les mains dans le sable, enfourcha le chameau et rentra sous la tente. 

© Timba Bema, 2011

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