Carnet de Rêves (Rêve n°912)


Mes pensées sont transportées par la rumeur intempestive du réveille-matin, elles déambulent vers les confins d’un territoire vaseux coincé entre le sommeil et l’éveil, une territoire où les rêveries surviennent dans un enchaînement obscur dont au lever, on ne garde souvent en mémoire que l’arrière-goût d’un détail étonnant... j’ai le sentiment d’être aussi léger qu’une feuille morte... je suis léger on dirait une feuille morte qui nargue de son indolence un vent tempétueux... je suis une feuille morte : je nargue la folie du vent... tout à coup les choses s’arrêtent : je m’arrête d’avancer : le monde autour de moi s’est arrêté : je suis arrêté... je ne peux plus aller et venir à ma guise ; je suis maintenant retenu à la cheville par un fil de coton ; le fil de coton est rattaché à son tour à un boulet minuscule ; le minuscule boulet pèse d’un poids pressenti par mes muscles, mes sens, certes diminués, certes altérés, certes fatigués, certes atrophiés, mais suffisamment ouverts à l’instinct pour imaginer le poids de mégalithe-hors-de-proportion, du boulet minuscule loin là-bas, on dirait la terre, la terre... tout à coup je me vois : assis sous la douche, dans ma salle de bains ; je suis sapé d’une veste à col ouvert de marin ; je prends l’eau... puis je me vois nu : dans ma chambre assombrie par la fumée de la lampe à pétrole ; j’entasse des billets de banque sur la table de bureau ; celle-ci s’enflamme avec les billets lorsque j’y dépose la dernière liasse... puis je me vois : marcher dans une rue ténébreuse, les mains dans les poches, les lèvres recoquillées en cul-de-poule par le sifflotement d’un air populaire... je ne connais cette rue ; je n’y suis jamais passé ; je n’en ai jamais entendu parlé ; je n’en ai jamais imaginé la courbure... d’emblée je me crois perdu ; la langue de l’asphalte ne cesse de laper mes talons... tout à coup les lampadaires en bordure s’allument sur un sourire chaleureux... tout à coup les palmiers me semblent familiers... tout à coup la courbure m’enlace comme dans une longue étreinte... tout à coup la route est ceinte de barreaux blancs ayant perdus leur blanc des suites de longs bains de chaleur et de poussière... tout à coup la rue est suspendue... tout à coup en bas il y a de l’eau... tout à coup l’eau miroite la lumière calme des lampadaires, les gestes élégants et froids des palmiers... tout à coup je me vois : marcher sur le ponts du Wouri au milieu des rails... dans le sens inverse à ma marche vient, lent, un train-marchandise... que transporte t-il ?... où va-t-il de ce pas ?... les gens sur le toit crient, mais le train poursuit son train-train... ils font des gestes, les gens ; ils hurlent, les gens ; ils se lamentent, les gens ; peut-être, les gens ; pour qui, les gens ?... tout à coup un klaxon... je trésaille... je me retrouve adossé aux barreaux... je perds l’équilibre... je tombe... il n’y a plus d’eau... y a-t-il jamais d’eau sous le pont du Wouri ?... je tombe... je tombe... et j’atterris sur la voie ferrée... le train-marchandise vient devant moi... il siffle... je sursaute : je me suis réveillé... le réveille-matin sonnait toujours.
© Timba Bema, 02 Septembre 2006

Commentaires

Anonyme a dit…
Ah oui hein! Un cauchemar, ce pont de Wouri!!
Gabrielle
Le pont
Est un aimant
Qui mène à lui
les cœurs en peine
Anonyme a dit…
Joli, mon ami Poète!
Ce pont est une source!
Gabrielle

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