Carnet des Rêves (Rêve n°417)


Un voile d'obscurité couvre l'atmosphère chau-de mais paisible... une sensation de calme plat ou mieux, d’isolement, s'infuse peu à peu dans mon esprit... soudain je vois jaillir une lumière au loin ; elle porte des particules sans vivacité apparente... je me sens comme aspiré par elle... à mesure que je m’en approche, des personnes connues de moi viennent à ma rencontre : d'a-bord il y a ma mère, allongée dans un cercueil de zinc, qui rit d’un rire contenu, on dirait sage ; ensuite il y a mes tantes et mes oncles consanguins, tous rayonnants dans leurs beaux costumes de mariage : les femmes sont en complet trois pièces avec gilet et cravate à rayures assortis, les hommes en longue robe de mariée à dentelles ; ils sont suivis de mes nombreux cousins et cousines, fiers de parader dans leurs petites tenues d’une blancheur douteuse ; ils sont suivis par le boutiquier de mon quartier, lui-même suivi par le cordonnier de mon quartier, lui-même suivit par le tailleur de mon quartier, lui-même suivi par la ven-deuse de beignets de mon quartier, qui tient dans les mains un cornet roulé avec du papier journal, sur lequel on peut voir une photo-graphie de moi à un âge où je ne me connais pas encore… tous, ils vont à tour de rôle se pencher sur le moteur d’une Buick de mil neuf cent cinquante quatre, et après un examen bref ils se désolent d’être en incapacité de faire quoi que ce soit pour le relancer... après cette ter-rible sentence ils se mettent à me regarder, avec étrangeté... je suis surpris de leur attitude singulière à mon égard ; je leur fais des signes alertes auxquels ils répondent en détournant la tête, comme si ils sont pris soudain d’un haut-le-cœur... je me regarde... je me vois nu, comme au premier jour... pris de honte, je cours sans direction précise me cacher... peu après je fais mon entrée dans une vaste salle à première vue déserte... je suis aussitôt saisi par l’odeur flottant par là, comme dissimulée dans chaque parcelle d’air, une odeur qui me rappelle quelque chose, sans qu’avec précision je ne puisse tout de suite la reconnaître, l’ap-privoiser, la nommer, malgré sa présence écrasante au bout de mon nez, malgré son bouquet aux accents de noix, de terre et de soleil, des accents qui semblent se distraire de moi, car ils s’esquivent chaque fois que je suis en situation de les capturer, de les détailler, de les emprisonner pour longtemps dans mon esprit, enfin... néanmoins je ne veux pas me laisser faire ; je me tends tout entier vers elles ; je suggère à mes narines de prendre du volume ; et elles s’écartent l’une de l’autre d’une distance impressionnante ; elles paraissent deux montgolfières en apesanteur au-dessus de ma tête ; deux ornementations gigantesques et insolites ; mais en fait elles sont d’une re-doutable efficacité dans ma chasse à cette odeur volatile... enfin je m’en approche de plus près ; elle semble lasse de me fuir ; elle est sur le point d’entrer en zone de résignation... soudain, mes montgolfières explosent... je me réveille... à côté de moi dort une jeunesse amoureuse... son corps brûlant exhale les subtilités de son lait de beauté... enfin, l’odeur dans mon rêve trouve son nom : karité.

© Timba Bema, Nuit du 11 au 12 Janvier 2003


Commentaires

Anonyme a dit…
J'aime beaucoup ces carnets de rêves!
Bravo!
Gabrielle
Ravi de le savoir. Le carnet est une sorte d'échographie de mes rêves. Comme disait quelqu'un, les rêves nous révèlent mieux que nos mots...

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