La promise venait d'avoir treize ans (2/4)

L’élu, dont l’esprit était remué de questions, n’en revint pas lorsque la beauté exceptionnelle de la promise se montra à lui, debout au pied du lit. De qui était-elle l’enfant ? De quels amours bénis était-elle le fruit ? Il ne le savait. Pourtant il avait sillonné le pays tout entier durant sa longue carrière de collecteur d’impôt, et jamais il n’avait vu tant de grâces, tant de fiertés, tant de souplesses mises bout à bout dans un seul corps. Alors, cet homme rompu à l’expérience des femmes, cet homme qui voulait hâter sa traversée, comprit tout de suite qu’il tenait sous la main une perle rare, avec laquelle il était désormais disposé, sinon heureux, de consacrer le reste de son temps à vivre. Etait-elle à son aise ? Elle cligna tout juste des pau- pières. Connaissait-elle déjà le frisson de la peur ? Elle renversa la tête en avant.


Il la fit coucher dans ses draps et se retira dans l’antichambre, d’où il revint peu après avec un flacon d’huile de benjoin, acheté longtemps en arrière à des commerçants syriens, qui sillon- naient la forêt juchés sur des animaux longs sur pattes, avec une bosse disgracieuse sur le dos. Il avait vite fait de le mettre à part, en un lieu sûr, et se disposait à en honorer le corps de celle de ses quarante épouses, qui se montrerait la plus touchante à ses yeux. Hélas ! Il attendait toujours. En vérité, il désespérait de connaître un jour cette promesse, à qui d’ailleurs il ne réclama aucune démonstration ni aucune preuve car, de fait, elle lui était apparue la seule digne de recevoir la bénédiction de cette huile. Il en fit donc couler treize larmes sur sa promise, et laissa ses mains tremblantes l’investir. Etait-elle à son aise ? Elle cligna tout juste des paupières. Connaissait-elle déjà le frisson de la peur ? Elle remua perceptiblement des lèvres.
© Timba Bema, 2008

Commentaires

Anonyme a dit…
A quand la publication de tes nouvelles, Timba? Tu me scies à chaque fois. On dirait un ciselage sorti de l'atelier nouvellistique de José Lezama Lima, "le jeu des décapitations." J'aime tes textes courts, c'est une redite que de le dire.
Salut Mon cher K.A. On travaille assidûment à ce recueil, qui prendra la forme d'une suite de discours à la nation,dits par le chef d'un état africain très cher à mes yeux. Compte tenu de l'éloquence peu marquée, à quelques exceptions près, de nos hommes de pouvoir, je t'avouerai que je suis allé lorgner, entre autres, du côté du pays-emblème de la revolucion socialista et du cigare, pour donner un peu d'intérêt à ce personnage. Il me semble qu'à ce niveau tu as déjà deviné le type d'orateur sur mon viseur... Bien des choses à toi.
Anonyme a dit…
Timba,
Moi, je te propose comme président Jakaya Kikwete, le peu de fois que je l'ai entendu parler, il m'a intéressé.
Bien à toi, http://obambegakosso.unblog.fr/2009/03/20/africains-disons-non-a-benoit-xvi/

Obambé GAKOSSO
Merci de m'indiquer cette piste Obambé! Je ne connaissais pas ce chef d'état et me ferais un plaisir, je l'espère, de le découvrir à travers ses discours, me semble t-il, en anglais.

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