Venu par une nuit orageuse de Septembre


Septembre. Il était venu avec l’orage. Avec le sourire. Tandis que nous regardions la télévision. Nous. Quatre. Emerveillés par le décor baroque d’un feuilleton à l’eau de rose. Et il avait prit sa place chez nous. Bien au chaud. Je ne savais pas encore. Pour longtemps. Il s’était assis à côté de ma petite sœur. Noha. Sans que ni père ni mère ne réagissent à son intrusion dans notre intimité. A son viol des civilités les plus terre à terre. A sa ruse des bonnes idées et des bonnes intentions. Car ils étaient tout à fait absorbés par le feuilleton dont ils commentaient à voix déployée les rebondissements successifs. Qui était cet homme au sourire parfait et aux gestes en retenue ? Cet homme que ma surprise était loin d’ébranler ? Je me posais toutes ces questions quand mes yeux d’enfant frôlèrent sa peau. Comment se faisait-il que je ne l’eusse pas remarqué au premier abord ? Or il sautait aux yeux les plus clairs que le visiteur n’était pas comme nous. Le bruit des parents l’avait d’abord fait passer pour un de ces curieux qui venaient souvent regarder le feuilleton à la maison. Ils marchaient en chat. Ils s’installaient dans un coin. De préférence sombre. Sans un bonsoir. Ni un au revoir. Puis ils traînaient leurs pattes à éponge vers la porte. A la fin du feuilleton. Il m’avait donc semblé que l’homme en faisait partie. Bien que ses yeux bridés auraient déjà pu me démontrer le contraire. Je l’avais d’abord regardé dans les yeux. Avec une sorte de familiarité. Si bien que ma confiance a priori en lui me faisait peur. Non pas lui. Mais ma confiance. En lui. Sa peau donc elle était d’un jaune terreux. Sale. Et à force de regarder ses jambes je me rendis compte qu’elles étaient nues. Sans vêtement pour les couvrir. Les autres parties de son corps aussi. Je devinais. Mais je n’avais plus le courage de lever les yeux aux dessus de ses jambes. Sa nudité me fit reculer en arrière. Par crainte que je fusse le seul à l’avoir remarquée. Qui était cet homme au sourire si parfait et aux gestes tout en retenue et aux jambes nues ? J’étais en train de me le demander lorsqu’il s’asseyait à côté de Noha. D’où venait-il ? Pourquoi avait-il choisi de se réfugier de l’orage chez nous ? D’ailleurs il n’était pas mouillé. J’étais en train de penser à tout cela lorsqu’il tapotait les joues de ma sœur. Elle lui répondait en zézayant d’aise. Puis il allait se placer devant le téléviseur. Où il écartait les bras en croix. Sa tête tombait au-dessus de ses épaules. Ses dents étaient d’un blanc à l’alignement parfait. Si bien que je poussais un couinement d’admiration mêlé de stupeur. Aussi j’allais remarquer que son torse non plus n’était couvert. Mais contrairement à ses jambes on pouvait y voir un duvet de poils plaqués sur le ventre et les pectoraux. Sa peau maintenant avait pris un aspect cuivreux. A ma grande surprise père et mère continuaient de commenter le feuilleton. Comme si l’inconnu n’était pas fiché devant l’écran. Ils éclataient parfois de rire à la vue d’une action que je supposais comique. Mère entrait même dans une colère indescriptible vis-à-vis de père suite à une infidélité de Leonardo Comiçera. Le héros principal du feuilleton. Il trompait sa belle épouse avec Leonardinha. La belle et jeune sœur de Leonarda. L’épouse de Leonardo. Quant à ma sœur elle tendait les bras en direction de l’inconnu. Elle geignait entre ses dents de lait des mots que ni moi ni personne n’aurait pu déchiffrer. Mère la prit sur ses genoux pour la calmer. Car son bruit déjà les distrayait. Je ne pouvais rien dire. Par crainte d’éveiller la colère de mère. Auquel cas elle m’aurait envoyé tout de suite dans ma chambre. Or je voulais rester avec eux à regarder le feuilleton. Bien qu’à la place ce fût le spectacle de cet homme à la peau comme le sable de la cour qui s’offrait à moi. Je ne saurais dire que j’avais peur. Pourtant les circonstances s’y prêtaient. D’abord l’orage à l’extérieur. Dont le rugissement colossal fit taire ma sœur qui s’agrippa à la robe de mère pour le restant de la soirée. En plus de cela l’homme était d’un sourire radieux mais laissait maintenant découvrir des dents rongées et noires. Exécrables. A donner des frissons même au chat le plus téméraire. Et pourtant je ne bougeais pas du fauteuil en rotin où j’étais enfoncé tout entier. Déjà le feuilleton tirait sur la fin. Père rassemblait ses journaux en vrac. Et mère déshabillait ma sœur pour le bain avant coucher. Aux premières notes du générique de fin l’homme jaune prit la porte. Et je pouvais le voir monter à la cime du manguier dans la cour. L’orage s’arrêtait. Le monde noyait dans le calme. Aucune circulation. Comme si ce fut l’homme qui de ses mains tendus aux nuages inoculait pour ainsi dire la mort à une ville habituellement grouillante de vie. Mère m’ordonna d’aller mettre mon pyjama. A travers ma fenêtre je pouvais encore le voir. Il n’avait pas bougé depuis tout à l’heure. Depuis le temps il n’avait pas bougé. Les pieds comme suspendu à la cime du manguier et les bras tendus vers les nuages. Qu’il chauffe qu’il vente qu’il pleuve il était là. Sans le geste. Et j’avais l’impression que son sourire au fur et mesure des saisons se faisait de plus en plus radieux. Mais je saurais dire pourquoi. Par crainte de paraître ridicule j’avais décidé de garder le secret. Qui était cet homme au sourire parfait et imparfait et aux gestes tout en retenue et à la peau jaune et sale et terreuse et aux jambes nues et au torse duveté ? Pourquoi était-il venu se réfugier chez nous ? Pourquoi y était-il resté ? Voilà ce à quoi je pensais parfois. Quand je me souvenais.



© Timba Bema, 2008

Commentaires

jessica a dit…
Chaque fois que je jetterai un regard en arrière sur ce qui m'est arrivé, j'apprécierai toujours le grand Dr Akhere (Akheretemple@yahoo.com) pour ce qu'il a fait pour moi. Ce lanceur de sorts a ramené mes finances, qui m'ont quitté sans raison. J'ai rencontré le grand lanceur de sorts et il m'a dit tout ce que je devais faire! Maintenant, je suis heureux que le Dr Akhere l'ait ramené et qu'il m'aime plus que par le passé! vous pouvez également le contacter sur son adresse e-mail active (Akheretemple@yahoo.com) ou l'ajouter sur Whats-app: +2348129175848.

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