Carnet de rêves (Rêve n° 911 - 1/3)


la forêt... on marche entre les grands arbres... on doit être au nombre de dix, tout au plus... je dis :"on doit être au nombre de dix, tout au plus," car le chiffre dix s'impose en ce moment-ci dans mon esprit, avec la force, la spontanéité, la soudaineté d'une intuition qui se donne pour vraie, absolue, indiscutable... par ailleurs, en ce moment-ci, le chiffre dix parait être le seul dont la réalité singulière est à même d'éclairer celle, toute aussi singulière, de ma présence dans ce temple qui semble avoir conservé les traces vivantes de son lointain passé... avec le recul, toutefois, je ne saurais prétendre à l'exactitude de mon intuition ; je ne serais même pas capable de la défendre avec calme et franchise... la principale raison en est que, lorsque je commence à nous compter, (je dis "nous" par commodité d'usage) quelque chose sorti de je ne sais où vient aussitôt me distraire, comme le cri désopilant d'un oiseau non répertorié dans les annales officielles de zoologie, les raclements sonores d'insectes dont on ne saurait imaginer la physiologie, ou les hurlements de gorilles dont, tout au contraire, on imagine aisément les yeux dissimulés derrière l'abondant feuillage regroupé en cloche... par contre, j'ai la certitude de marcher, avec mes neuf autres, dans une immense forêt... les grands arbres (signes irréfutables de la présence végétale), et les cris (signes irréfutables de la présence animale), sont là pour me le garder présent à l'esprit... de plus, cette forêt, la forêt où nous marchons, m'est tout à fait familière... je me dis : ceci, autour de nous, est la forêt de Campo... donc, on marche, en file indienne, sur une piste qui traverse d'un bout à l'autre la forêt de Campo... j'en avais visité un secteur lors de la préparation d'une nouvelle intitulée La grotte aux singes volants... tout ce que j'avais vu alors, toutes les sensations qui m'avaient assaillies, me remontent précipitamment à l'esprit... le paysage est le même, mais les éléments de cette composition ayant jadis été mis côte à côte par mon esprit dans le but de former le paysage resté dans mon souvenir, semble avoir changé de nature... la boue est légère comme un coussin de nuages ; l'air a perdu de son odeur de terre pourrie mouillée ; les arbres de leur solidité ; et même les cris semblent soumis à ma volonté... bref, seuls mes neuf autres sont hors de mon contrôle... pourtant je vois ce qu'ils voient ; j'entends ce qu'ils entendent ; je sens ce qu'ils sentent, tout en leur étant extérieur... aussi, je ne saurais donner avec précision ma position dans la file... tantôt je me dis : tu es ici... tantôt je me dis : tu es là... et chaque fois que je me dis : tu es ici, ou "tu es là", je change aussitôt de place, sans plus pouvoir me rappeler de celle que j'occupe, et encore moins de celle que j'occupais, précédemment...


© Timba Bema, Nuit du 29 au 30 Août 2006

Lire l'épisode suivant ICI

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Monument de la laideur

« Pour qui j’écris vraiment ? » ou l’art de se poser la question

Cette histoire de la violence