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Affichage des articles du septembre, 2008

Prière à l'Oubliée

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[1] Mon oubliée Comme tu dors Maintenant Loin de mon coeur Loin de tout [2] Me vient Soudain L’envie dévote D’élever vers toi Une prière [3] Mes amours Comme mes songes Se sont...envolés Avec la fumée du camphre Et le soupir lent De l’océan [4] Du ciel Je ne vois plus que les nuages Et des formes et des desseins Bizarres Pesants Dans mes nimbes Qui déchantent [5] Mon oubliée Comme tu dors Enfin Dors avec toi Ma prière ©Timba Bema, 2006

Lettre d'un jeune prisonnier à la Mousson (Premier Extrait)

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Prison centrale de douala, cellule n°7, 21 Juin… Mousson, Tu voudras bien me pardonner cette maniè-re un peu cavalière d’entamer ma lettre mais après avoir mis sous pli celle d’hier il m’a semblé urgent de te donner des précisions sur mon ressenti à propos de la division du temps, plus particulièrement, de la nuit /J’étais sensé t’écrire sur les nuits ici, or il m’a sauté tout à coup aux yeux que je ne me livrais qu’à un exercice de la pensée, une fantaisie où mes mots semblaient des êtres flottants, errants, voguant dans le vide car dénués de toute assise dans la chair des hommes / Ne dit-on pas d’ailleurs que la nuit est l’heure de la mort des mots, je veux dire, de la parole, en général ? / Surtout ne demande pas où je l’ai entendu car je ne saurais te le dire ; ma mémoire de ce côté-ci de la ville sait parfois se montrer bête et faillible / Après mûre réflexion toute cette nuit, voici donc ce que je peux ajouter à mes écrits de la veille / A la diff

La tunique du mort [1]

“ J’avais, j’avais ce goût de vivre chez les hommes, et voici que la terre exhale son âme d’étrangère… ” Pluies V, Saint-John Perse.

Suicide au Carrefour du triste-souvenir

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Paul Bruegel, Le suicide de Saül (1562) Huile sur bois de chêne 33,5 x 55 cm Vienne, Kunsthistorishes Museum Wien Cette femme traversait la rue quand elle fut balayée par une voiture roulant à tombeau ouvert. A vrai dire personne n’y faisait attention. Elle semblait parfaitement fondue dans la petite foule des cinq heures au carrefour du triste-souvenir. Que faisait-elle là ? Nul ne le sait. Peut-être faudrait-il demander aux autres badauds qui se trouvaient là aussi. Sans doute l’un d’eux la connaît. Sinon la reconnaît. Ou juste au moment de s’engager sur la chaussée il l’a entrevue sans y prendre gare. Oui-oui. Ils ont beau se demander. Ils ont beau se parler. Mais que faisaient-ils pour ne pas l’arrêter ? Pour ne pas la freiner ? Pour ne pas la voir ? Alors qu’elle traînait au milieu d’eux. Elle faisait des appels des yeux des bras du corps auxquels ils furent tous insensibles. La preuve ? Au lieu d’accourir auprès de cette femme couchée sur l’asphalte tiède ils foncent t

Les sept dits du Pèlerin dans la Tourmente

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Le premier dit du Pèlerin Quelle est cette charge On dirait de la pierraille Qui prolifère Dans mon dos ? Le second dit du Pèlerin Les pieds Vont plus vite Que tous les moteurs Humains Le troisième dit du Pèlerin Ah ! sommet que l’envie Eloigne A mesure Qu’on te ceint Le quatrième dit du Pèlerin J’ai abandonné Et mon père Et ma mère Pour trouver Et mon père Et ma mère Le cinquième dit du Pèlerin La route est Voyage Emprunté par les songes Et les fourmis (magnan) Le sixième dit du Pèlerin Un pied Qui marche Est un zèbre Sans costume Le septième dit du Pèlerin Au milieu De ma tourmente J’ai reconnu Le puits aride © Timba Bema, Mars 2008

La nuit des élues

« Mais, il ne faut pas s’indigner : Vous devez avoir le souci de plaire, Puisque à notre époque les hommes Sont recherchés dans leur parure » Ovide, L’art d’aimer , livre III. [I] Tandis que l’armée du roi des perses campait à l’extérieur de la porte d’Enlil, les savants de la cité furent réunis de toute urgence dans le sérail de mon père, le roi Nabonide. Au bout de trois lunes de sempiternelles délibérations, ils l’avisèrent enfin du fruit leur colloque. Alors, ce dernier s’empressa de convoquer le peuple pétrit d’angoisse à la ziggourat, et annonça pour la nuit même le mariage de toutes les filles encore vierges. Ô père ! Ta folie était-elle donc sincère ? [II] Mère tressait mes cheveux lorsque le grand eunuque du palais surgit à l’improviste, accompagné des matrones. Entre deux ricanements, il délivra : bientôt tu seras une femme. Puis les matrones m’arrachèrent à la douceur de mère. Je tentai de me débattre, de fuir peut-être, mais le regard noir de fatalité que mère posa sur m

Extraits du journal intime de Saït Al-Mahmouni

« C’était étrange de le voir scruter Si pensivement la clarté, Etrange enfin de songer qu’il avait Une telle dette à payer. » Oscar Wilde, La Ballade de la geôle de Reading Genève, quinze jours avant la date fatidique Si je tiens encore debout, c’est parce que j’ai de merveilleux voisins. Bien plus que cela, ils sont de véritables anges, aux ailes desquels on peut appuyer la tête, le coude, la hanche, pour se reposer par temps difficile. Moi, Saït Al-Mahmouni, le sodomite, chassé de Mésopotamie par la fureur des miens et l’invasion des yankees, j’avais perdu foi en l’Homme, avant de rencontrer ces compagnons d’infortune, qui partagent ma vie depuis bientôt un an. Le second coup de poignard dans mon avenir a été assené ici, dans les murs mêmes de la république de Cauvin, l’intolérant, par une juge au demeurant fort sympathique, qui n’a cependant pas manqué de me faire savoir que j’étais non entré en matière, expression tortueuse pour me dire que la paix, les plaisirs de la consommation

L'enfant et son Idole

L’enfant était heureux d’entrer enfin dans l’antre de son idole. Depuis des mois il attendait de pied ferme cette heure. Et à force de ne rien voir venir il s’était pris à douter de la sincérité de son père. Puisque ce dernier lui avait mis le feu à l’âme en annonçant leur prochaine visite du parc de loisirs. Il avait donc eut tort de douter. Car il était loin de savoir que celui-ci économisait mois après mois pour lui offrir une journée inoubliable. Mais qu’importait alors. Tout cela faisait déjà partie d’un passé lointain. Et pour la première fois il verrait Mickey Mouse et peut-être bien aussi quelques uns de ses compagnons d’animation. Malgré le bruissement incommodant de la foule alentour il pressentait clairement l’appel de sa voix de fausset. Elle lui disait de venir à elle. De sorte qu’il dégagea sa main gantée de celle de son père et se laissa lentement aspirer par la marée humaine. Au bout de cinq minutes d’une marche aveugle il déboucha devant un manège de chevaux. Ses yeux

Un Dimanche Chez L'ogre de Herrliberg

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I Je suis entré dans cette famille par effraction. La preuve m’en a été donnée la semaine dernière, lors du traditionnel repas domi-nical. En pleine “dégustation” du gigot d’agneau, le sujet délicat de la donation a été remis sur la table. Pour vous représenter mon embarras d’alors, imaginez les tourments d’une aubergine qui se trouverait à l’insu de son plein gré parmi des carottes, prêtes à passer à la moulinette. Et mon embarras est d’autant plus grand que, ma belle-famille est connue de tous dans notre chère Helvétie, depuis que mon beau-père, un magnat du Capital converti à la Chose publique, a réussi la prouesse de réintroduire le sentiment national dans notre politique longtemps moribonde. II Pour préserver cependant son identité, nous l’appellerons l’Ogre ; par Ogre, j’entends non pas un mangeur de vies d’enfants, mais plutôt un glouton, un rustre ; bref, un pareil à ces barbares du Valais d’antan, devant qui la bourgeoisie européenne venait déjà s’expurge