La Suisse est-elle contre la liberté ?
La neutralité n’est pas une valeur en soi
La neutralité n’est pas une valeur en soi mais une position stratégique. La Suisse a adopté cette attitude pour s’octroyer une marge de manœuvre par rapport à la puissance américaine et l’ex-URSS. Elle s’offre ainsi la possibilité, sur des points stratégiques non essentiels, de suivre son propre chemin. Elle se fonde sur une valeur cardinale : la liberté. Celle de la Suisse d’abord, s’entend.
La liberté étouffée au Cameroun
Il se trouve justement que la liberté, cette
valeur si chère à la Suisse, à la base de laquelle deux manifestations
contradictoires ont été autorisées, est une chimère au Cameroun. Ce que les
Suisses ont vu s’exprimer dans les rues de Genève c’est la confrontation entre d’une
part, un camp pour qui toute manifestation, je dis bien toute manifestation est
interdite au Cameroun, un camp qui réclame à cor et à cris la liberté ainsi que
la naissance du citoyen, et d’autre part, une tyrannie à bout de souffle qui, dans
l’espoir de se régénérer, condamne l’individu au statut d’indigène, le
réduisant pour mieux le contrôler à son origine tribale.
Les Suisses savent qu’on ne peut pas mettre sur un même pied d’égalité ceux qui se lèvent pour la liberté et ceux qui règnent par la terreur. Car, il est vrai que le régime conservateur et extrême-droitisant de Paul Biya corrompt, menace, viole, pousse à l’exil, emprisonne ou tue toute voix qui réclame le respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine. Devant un tel régime, la neutralité consisterait à lui octroyer une considération que toutes les puissances mondiales lui ont retirée.
La position suisse réconciliée avec ses valeurs
La position suisse vis-à-vis du régime Biya est
en contradiction avec ses valeurs. Comment ce pays fondé sur la liberté peut-il
justifier sa complaisance vis-à-vis d’un régime qui a transformé un pays de 25
millions d’habitants en une prison à ciel ouvert ? De tels errements ont été
observés jadis avec de nombreux dictateurs, avant un revirement honteux de dernière
minute, lorsque les peuples se sont enfin débarrassés de ceux-ci. Est-ce cela que
la Suisse attend ? Que les Camerounais gagnent leur liberté afin qu’elle
reconnaisse la nature tyrannique du régime Biya ? Non, cette position attentiste
serait une défaite morale pour la Suisse car, pour une fois, elle peut se
montrer à elle-même qu’elle place ses valeurs au-dessus de ses intérêts.
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