Un grand nombre d'auteurs africains ont éclos en France. Soit parce que publiés en France soit parce qu’y étant établis. Ce constat ne relève pas du seul désir des africains. C’est important de le souligner dès le départ. De facto, ce pays occupe une place centrale dans la production et la réception des œuvres africaines. Ceci est un constat froid et implacable. Seulement, cette réalité mérite qu’on s’y arrête un instant. Le regard ici ne doit pas être figé dans une posture contemplative, pareille à celle que l’on aurait devant un masque accroché à un mur, mais on doit lui tourner autour, le regarder de haut, de bas, devant, derrière, sur les côtés. Cette réalité doit être interrogée pour ce qu’elle représente, et cette analyse ne saurait se faire en éludant le rôle de la littérature dans la construction d’un imaginaire national, sinon territorial. La littérature comme la technologie est un moyen d’avoir prise sur un territoire. Je veux dire par là qu’elle n’a pas seulement pour ...
à T.M La nouvelle était tombée des ondes. Un soir comme les autres, à ressasser des temps méconnus de la plupart des vivants. Mais après l’avoir entendue, n’y croyant pas d’abord et s’y faisant peu à peu, s’en accommodant comme des secousses d’un séisme dont la fulgurance s’éclaircie lentement à l’âpreté des sens, le père avait brandi son fils de cinq ans au ciel, comme si ce fut lui l’objet de cette joie viscérale qui transportait son cœur de vieillard dépassé par les ans, pour qui toute joie, aussi infime fusse t-elle, était occasion de célébrer la victoire mille fois renouvelée de la vie sur la mort. Les lumières du soir dansaient déjà à sa fenêtre, la douceur exceptionnelle de la journée s’apprêtait à déposer les armes, vaincue et amère, aux pieds des froides déesses de la nuit, et la casserole mitonnait le seul et unique repas de la journée, qu’il s’apprêtait à honorer avec en idée que cela était sa consolation, la consolation de l’homme brave et fier, malgré tout. A peine descend...
Peut-on lire innocemment « L’enfant noir » ? Ou, enfonçons le clou : doit-on encore le lire ? La fabrique de l’écrivain africain relève du même mouvement que celle du classique africain. Les deux sont concomitants. En ce sens que pour fabriquer le classique, pourrait-on dire, il faut fabriquer l’écrivain. Après tout, c’est son nom qui figure en première de couverture. Il faut comprendre le classique comme une œuvre de fiction enseignée dans les écoles. Mais, c’est aussi une opération commerciale très profitable pour l’éditeur. Puisque le classique a pour vocation de rester longtemps dans les programmes scolaires. L’enseignement colonial avait besoin de textes véhiculant les valeurs du colonisateur, les disséminant dans l’esprit des écoliers et normalisant sa présence sur le territoire conquis. Pour susciter ces textes, une figure est incontournable : celle de Georges Hardy. Il fut directeur de l’enseignement en Afrique Occidentale Française de 1915 à 1919. Hardy était un...
Commentaires