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Affichage des articles du 2012

Les aventures incendiaires de Jojo-le-grand (Premier mouvement)

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Tout ce qui a trait l'enfance reste dans la nébulosité de l’enfance. On n'avait jamais su son véritable nom. Un jour, sur la place, quelqu'un avait ouvert grande la bouche et de celle-ci était sortie quelque chose de plus terrifiant que la sentence d'un juge du siège : Toi, avait martelé la bouche, toi je te baptise du nom de Jojo-le-grand ! Et personne, du nombre de ceux se trouvaient sur la place, personne n'avait rien trouvé à y redire. Pourquoi m'appelez-vous donc ainsi ? avait-il eu toutefois envie de leur demander, mais il comprit bien vite que le nom c’est une boussole pour les autres et non pour soi-même. Dès cet instant son être changea de nature : celui qui n'avait pas de généalogie trouvait enfin une place au sein de leur race dont la tradition déclarait que l'enfant sans parenté est l'enfant de tous et de chacun. Au début, comme on peut le supposer de quelqu'un qui se trouverait dans la même situation, son

Un dernier verre avant de partir (1/5)

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Celui qui se tenait allongé sur le divan : Un jour ou l'autre nous sommes appelés à partir pour le grand voyage, celui d'où on peut revenir. Quand on a le sentiment ou la prémonition ou la conviction ou l'illusion que le jour j est arrivé, alors on fait le tri dans ses affaires, on met les choses de valeur dans une valise et, au moment de franchir le seuil une voix familière nous suggère de prendre un dernier verre avant de partir. On accepte. On se sert un peu de son whisky préféré. On commence à siroter. On se sent mieux. Et au final on se dit je partirai bien plus tard. Puisque personne ne m'oblige à partir maintenant. On n'en est certes pas conscient, Docteur, qu'il faudra partir un jour ou l'autre. Le plus tôt serait le mieux car on ne sait jamais ce dont on est capable quand on est précipité dans ce tourbillon-là (celui qui vous prend d'abord par la tête avant de vous envelopper le corps tout entier), mais on isole l'appel du départ dans un

L'ennui selon Edgar Penda

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Quand il s’ennuie, Edgar Penda vide sa malle de vêtements sur son matelas nu et sur les arêtes du lit, les accorde par couleurs et par coupes et par matières, avant de distribuer, selon les mêmes critères, ses accessoires de mode parmi ses nombreux assortiments, ceci jusqu’au moment où leur effet de séduction se met à agir sur lui. Ensuite il les essaye tour à tour, afin d'en vérifier la persistance. Lorsqu’il se saisit du complet en lin écru, de la chemise à col mao blanche en lin cardé, de la ceinture en cuir de veau marron clair, du carré de soie à rayures décrivant les nuances du rose, il trouve son geste en tout point saugrenue, il s’arrête, il regarde à nouveau les assortiments dressés sur le lit : qu’est-ce que je suis en train de faire ? se demande t-il, perplexe... Il avance la main pour caresser les matières puis, poussé par une envie folle, il se lance dans le lit et se roule dans ses vêtements qui sentent encore la naphtaline. Il ferme les yeux, son corps s’éveille a

Petits arrangements avec le réel (2/5)

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L’ombre au tableau  : Mais écoutez-le déblatérer ! Mais écoutez-le donc bruiter sérieusement du gosier ! Une ombre ? Il dit avoir vu une ombre ! Aveugle va ! Je ne suis pas une ombre mais l’ombre ! L’ombre, c’est moi ! Le premier homme - Donc comme ça tu vois une ombre au tableau ? Le dernier homme – Que oui, c’est grave Docteur ? Le premier homme - Non non non ! Non non non ! Maintenant tourne-toi encore un peu ! Vois-tu les moutons ? Le dernier homme – Que oui, je vois cinq ou six moutons qui broutent quelque chose qui ressemble à une ombre ! Que oui, les moutons broutent l’ombre ! La grande ombre ! J’en suis à peu près sûr ! D’ailleurs cela me rappelle qu’une heure exactement avant de croiser ta route j’ai lu dans un morceau de presse qui se trouvait dans le caniveau que là-bas au nord, au grand nord, dans un petit village du nom de Alagarno, un mouton, peut-être comme l’un de ceux-ci, a brouté l’herbe de la femme du berger pendant son sommeil… Le premier ho

Petits arrangements avec le réel (1/5)

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Le premier homme - Et n’est-ce pas ! Et comme ça ! Et ainsi de suite et tutti quanti ! Bref que tu te refuses à la chose ! Que tu fermes les yeux ! Que tu ne veux pas voir ! De tes yeux ! N’est-ce pas ? Le dernier homme - Oh mais toi alors tu me fais chier ! Laisse-moi passer ma route tranquille ! Le premier homme - A qui le dis-tu ! Voilà ta route tracée courbe devant toi ! Tu n’as qu’à la prendre et t’en aller ! Allez va t’en ! Cours dans la nuit d’où tu te refuses, je dis bien, te refuses de sortir ! Cours dans le vent et avec le vent et déploie tes ailes pour t’envoler loin, loin de moi ! Le dernier homme - Donc comme ça tu veux que tu partes ? Le premier homme - Tu l’as dis toi même ! Le premier, si cela t’a déjà échappé ! Le dernier homme -Et toi, que veux-tu ? Que je reste ou que je parte ? Le premier homme - Fais comme bon te semble ! Tu es libre non ? Alors fais comme on fait quand on se dit libre ! Le dernier homme - Est-ce