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Affichage des articles du 2010

Le visiteur de madame Tchakounté (2/6)

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Au fil de ses visites, l’identité de l’homme n’arrêtait pas d’attiser la curiosité des gens du quartier. Que venait-il donc faire chez madame Tchakounté le mercredi et le vendredi ? Pourquoi se faisait-il si discret au point de ne même pas rendre ses salutations à celui ou celle qui, l’ayant croisé par hasard sur son chemin, les lui donnait avec toutefois cette méfiance que l’on garde souvent devant un visage inconnu ? Et surtout, pourquoi le mari et les enfants le laissaient-ils seul à seul avec madame Tchakounté ? Ces questions entraient à un moment ou l’autre dans la conversation des adultes et des enfants en âge de parler. Et, comme la nature a horreur du vide, et que la curiosité, à l’image d’un fleuve en crue, sait toujours trouvé le chemin qui la conduira à la mer, on s’était mis à tricoter des hypothèses sur l’identité du visiteur. Certains prétendaient qu’il était un prêtre-exorciste à la renommée douteuse. Des personnes de leur connaissance leur auraient rapporté que ce

Le visiteur de madame Tchakounté (1/6)

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Joaquin Ferrer, Le visiteur absent On le voyait souvent pénétrer la demeure de madame Tchakounté vers neuf dix heures du soir. Il garait sa voiture de marque Toyota dans un coin dépourvu de lampadaire en haut de la Grand-rue, chaussait des bottes de caoutchouc, enfilait un manteau de pluie et se glissait silencieusement dans le quartier. Il essayait autant que faire se peut d’être discret, mais il arrivait toujours qu’au travers d’un coup d’œil jeté par hasard dans une fenêtre ou dans une porte grande ouverte on aperçût tout à coup son ombre chevauchant dans l’obscurité, et qu’ensuite on divulgua la nouvelle à un proche qui à son tour la divulguait à un autre, de sorte qu’on pouvait à terme retracer chacune des étapes du parcours qui le conduisait immanquablement dans la demeure de madame Tchakounté. Toutefois il n’était vraiment pas nécessaire de se donner tant de peine puisqu’à la longue on avait pu observer qu’il venait au quartier deux fois par semaine à savoir le mercredi et

L'hospice du bonheur (1/4)

[1] Juillet. Dix heures. Il pleuvait à verse. L’envie était de se couler dans son lit et de tutoyer l’intimité de son autre. Des heures et des heures. Mais on avait dû y renoncer afin de visiter un appartement dont la mise en location venait de paraître dans le grand quotidien de la région. De plus, le propriétaire s’était montré très enthousiaste de nous recevoir, puisqu’il se trouvait à cette heure dans l’appartement où il effectuait quelques menus travaux d’électricité. Il nous avait donc conseillé de passer le voir au plus vite, car nous étions les premiers à nous montrer intéressés par son bien. Bien sûr, avait-il tenu à préciser, sa décision de rencontrer d’autres personnes allait dépendre de ce que nous y trouverions ou pas les qualités que nous cherchions pour notre future demeure. En d’autres termes la priorité de le louer nous reviendrait si nous la visitions les premiers son appartement qui était situé dans un quartier cossu de la périphérie nord, au premier étage d’une

Comme on sauve un esprit de lui-même (1/3)

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alors que l'esprit était dans sa quinzaine année, la mère de celui-ci s’inquiéta qu’il n’eût encore pas connu les joies et les peines de l'amour... ce n’était pas, à vrai dire, le fait qu’il fût sans copine qui la travaillait, mais tout autre chose à savoir, sa désinvolture face à la question... lorsqu’elle lui en parlait, très souvent d’ailleurs, il rétorquait chaque fois, dans la précipitation, que les femmes ne sont pas importantes dans la vie d’un esprit... une fois, au cours du repas du soir, assis tous les deux dans la salle à manger, elle insista de connaître les raisons de son désintérêt pour la gente du sexe opposé, mais il piqua une telle crise de nerfs qu’il l’engueula pendant près d’un quart d’heure, et il alla même jusqu’à frapper des poings sur la table avec une force telle, que le bouillon de maquereau dans leurs assiettes se déversa sur la nappe, et ensuite il se déroba dans sa chambre où il s’enferma à clé... la mère tomba aussitôt dans la déprime et p

Carnet de rêves (Rêve n° 911 - 2/3)

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t out à coup les bruits alentour s'estompent... la foret parait inhospi-talière, pleine de mau-vaises augures, de mauvaises intentions nourries spécialement  notre égard... devant nous, à une centaine de mètres à peu près, s'ouvre soudainement une clairière noyée dans une pluie diluvienne... l'herbe y est grasse, verte et attrayante pour nos pieds usés par la marche : on dirait une terre bénie des saisons et des vents : une terre propice au repos... toutefois, en son centre, un troupeau formé d'une quarantaine d'hommes et de femmes  et d'enfants pait en silence, sous l'étroite surveillance d'une panthère au pelage d'or et aux yeux de rubis, vert... à la vue de cette scène terrifiante notre première réaction est de rebrousser chemin, de fuir au plus vite par crainte de nous voir aussi transformer en ruminants, mais, malgré l'appel pressent de la fuite, nous sommes comme irrésistiblement attirés vers la clairière, où la force propre à nos

La coureuse des berges du lac (1/4)

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Elle avait l'habitude de s'extraire de l'épaisseur de ses couvertures aux premiers balbutiements de l'aube, à cette heure magique où le jour commence à décanter l'inquiétante épaisseur de la nuit. Elle revêtait en vitesse sa combinaison de sport dont le textile était issue des toutes dernières technologies en matière de fibre; elle enfilait ses chaussures de sport, elles aussi des toutes dernières technologies; et une fois prête elle se jetait dans le silence trouble des rues encore endormies, les paupières lourdes, les idées enrobées du reste de son sommeil et du souvenir lointain d'un rêve désormais oublié. A l'approche du lac elle quittait la tendresse de l'asphalte pour épouser les rigueurs d'un chemin de terre rectiligne, s'étirant à l'infini et laissant présager à son terme l'eau sombre du lac; le chemin de terre était encadré de deux rangées de bouleaux majestueux, qui avaient déjà remplacé leur robe de la saison précédente,

Mercredi ou Le temps suspendu (3/12)

Lorsque enfin il percevait le chuchotement produit par ses amis alors regroupés sur le pas de la véranda, il se précipitait dans le séjour et leur faisait signe de reculer, espérant du même coup profiter d’un moment d’inattention de sa mère pour détaler à l’extérieur. Hélas, dès qu’il enjambait la première marche d’escalier, sa mère se redressait d’un trait et lançait son sombrero en l’air : « je t'ai attrapé, lui criait-elle... pourquoi tu ne fais pas la sieste ? » Alors il laissait échapper sa colère dans un râle long et puissant, ses épaules retombaient, et il justifiait sa tentative de fuite en disant qu’il n’avait su trouver le sommeil ; mais à ces propos sa mère se piquait d’un fou rire, claquait joyeusement des mains et lui rétorquait, non sans une pointe d’ironie dans la voix : « mon fils, le sommeil n’est pas une punition. » Ensuite, elle prenait à partie ses amis qui tous la regardaient ; elle se plaignait d’avoir un fils qui n’est même pas capable de trouver une chose a

Carnet de rêves (Rêve n° 911 - 1/3)

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la forêt... on marche entre les grands arbres... on doit être au nombre de dix, tout au plus... je dis :"on doit être au nombre de dix, tout au plus," car le chiffre dix s'impose en ce moment-ci dans mon esprit, avec la force, la spontanéité, la soudaineté d'une intuition qui se donne pour vraie, absolue, indiscutable... par ailleurs, en ce moment-ci, le chiffre dix parait être le seul dont la réalité singulière est à même d'éclairer celle, toute aussi singulière, de ma présence dans ce temple qui semble avoir conservé les traces vivantes de son lointain passé... avec le recul, toutefois, je ne saurais prétendre à l'exactitude de mon intuition ; je ne serais même pas capable de la défendre avec calme et franchise... la principale raison en est que, lorsque je commence à nous compter, (je dis "nous" par commodité d'usage) quelque chose sorti de je ne sais où vient aussitôt me distraire, comme le cri désopilant d'un oiseau non répertorié